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La place de la biographie dans les préoccupations et le travail de l’historien aujourd’hui.


Rencontre biographique animée par François Lebrun, avec Pierre Milza et Pierre Serna.



 

Le mot « place » est tout d’abord à prendre en considération : s’agit-il d’une place majeure ? ...D’une place mineure ? Le problème est d’importance car cela sous-entend la place que l’historien accorde à l’individu dans l’Histoire.
Louis XIV…Jules César…Napoléon…ont-ils par leur personne infléchi leur temps ?

La biographie historique ne s’intéresse pas forcément qu’aux grands hommes. L’historien peut s’attacher à une personnalité de second plan qui lui paraît susceptible de représenter une époque, une profession…voire à un personnage totalement inconnu, tel Louis François Pinagot, « ressuscité » en quelque sorte par les travaux d’A.Corbin…

Pierre Milza explique être tardivement passé au genre biographique mais qu’il était déjà sensible au fait biographique comme facteur d’explication de l’Histoire, au rôle des hommes, petits ou grands dans le façonnement de l’Histoire.
Il s’est intéressé à des individus dont le poids a été déterminant à un moment ou à un autre.
Quelle biographie faire ?
Mussolini…Napoléon III…Louis XIV…
Un homme politique, une biographie politique.
Mais un autre choix peut être fait : Une biographie doit être aussi totale que possible.
Si Mussolini prend une décision, il le fait avec son histoire individuelle, produit de son milieu, des hasards de sa vie…On ne peut évacuer la personnalité, l’individu donc la vie privée, d’autant plus que le choix de l’individu peut être lié à son histoire personnelle. Il est porté par l’instant.
Référence est faite à une fiction télévisée, Thérèse et Léon. (Léon Blum et sa deuxième épouse) au moment où se pose le problème de l’intervention ou non de la France dans la guerre d’Espagne. Quand Blum prend sa décision, il est seul ; sa femme, qui lui est très proche, est en train de mourir d’un cancer…Le fait de savoir que cet homme vit un drame familial ne fait plus voir de la même façon le meeting au cours duquel il annonce aux camarades qu’il n’a pas été élu pour faire la guerre.
On ne peut séparer personnage public et personnage privé.

Pierre Serna explique qu’à l’inverse des historiens académiques, il a débuté dans sa carrière par une biographie, sujet de thèse sous la direction de Michel Vovelle, Antonelle, aristocrate révolutionnaire, 1747-1817 bien que la biographie ait souvent été considérée comme une lecture pour petit bourgeois.
Faut-il écrire une biographie de la naissance à la mort ou est-il plus intéressant, plus valorisant de problématiser ? L’idée que le personnage étudié n’est pas forcément historique mais qu’il a vécu dans un temps historique permet de réintégrer la biographie dans un cadre pluri disciplinaires, celui des sciences sociales.
Antonelle, noble perclus des us et coutumes de l’Ancien régime devient un révolutionnaire d’extrême gauche… Il vit dans un entre deux permanent
Un sociologue compare la biographie à un plan de métro : étudier une ligne de métro avec les noms des stations, des personnes qui montent et descendent, des croisements… Il faut faire des choix. Le biographe connaît le nom de la fin de la ligne ; on a plusieurs projets de vie donc plusieurs choix en même temps.
Le choix renvoie à une autre dimension ; la biographie est un objet d’histoire totale.


Qu’est- ce que le biographe est capable de proposer ?

Les sources, les Archives nationales : Antonelle est arrêté par la police en 1796, ses papiers sont alors mis sous séquestre par la police. Parmi ces papiers, sa correspondance amoureuse fort peu anodine. Que faire d’un tel document ? Quel lien établir avec ce juré au tribunal révolutionnaire à la sévérité implacable ? Quel lien entre cet homme qui inflige des coups dans la vie publique et en reçoit dans le privé ? Quel lien entre l’histoire et la psychanalyse ? ( le couple bourreau/victime…pulsion pré - masochiste…difficulté de la réflexion sur le rapport de domination…)

La question privé/public pose la question de la chose dont on fait l’histoire.
Fait-on l’histoire d’un individu ? D’une personne ? D’un acteur ?

Un des aspects de la biographie : étudier autre chose que la personne.
Histoire de la famille sous l’Ancien régime, histoire d’un objet vivant, le couple, la famille
La biographie peut être l’histoire d’une structure de personnes ensemble, des lieux d’interrelations entre ces personnes.

Autre perspective : la biographie comparée de 860 personnes, essai sur l’histoire des « girouettes » pendant la Révolution… Notion de biographie comparée.

L’historien démographe pourrait se considérer comme un biographe.

L’historien biographe use-t-il d’instruments, d’archives spécifiques par rapport à l’historien du politique, de l’économie ?
Il faut tout d’abord se positionner dans l’historiographie.
Il n’y a pas de spécificité des sources.
Aujourd’hui quand on travaille sur une biographie, on ne considère jamais la personne seule mais on prend en considération la notion de réseau.
- Deux travaux intéressants sur Bonaparte :
Celui de Thierry Lentz, Le grand Consulat : il est question plus d’une équipe que d’un homme, équipe forte des acquis de la Révolution et qui, dans une période de très forte mutation, renforce le modèle républicain.
- Celui d’un historien new-yorkais, Isaac Woloch, Napoléon and his collaborators, the making of a dictatorship. Là encore, l’auteur étudie une équipe...
On peut aussi parler de biographie collective quand on étudie l’histoire de la mort, l’histoire du duel au XVIIIè siècle à partir des 5214 autopsies pratiquées sur la place de Paris entre 1690 et 1791. Raconter les cinq dernières minutes d’un certain nombre d’individus, s’intéresser à l’histoire de la mort, de la médecine, de l’institution judiciaire, de la police parisienne…c’est aussi une certaine façon de prendre l’objet biographique.

Questions :
Quelles sources utiliser quand les personnages ne sont pas historiques et que les fonds d’archives sont plus ou moins inexistants ?
Quand le personnage n’est pas historique, il faut construire sa recherche et inventer des outils méthodologiques, se livrer à un travail d’enquête voire de policier. Ainsi, on ne sait rien de l’arrière-grand-père de Marcel Proust sauf qu’il était porcelainier, il faut donc s’efforcer de retrouver des objets et investir le domaine de la recherche industrielle…
Claude Mossé précise que pour travailler sur le personnage d’Alexandre, il n’était pas question d’archives mais qu’il était nécessaire de consulter tous les écrits historiographiques, écrits des historiens qui ont vécu plusieurs siècles après Alexandre ( Plutarque). Le travail consiste alors à décrypter l’élaboration d’un mythe autour du personnage d’Alexandre. L’intérêt est l’élaboration de la construction de la figure d’un personnage, un homme généreux, un homme brutal ; on peut le considérer tantôt comme le civilisateur de l’Orient, tantôt comme le rêveur d’un monde universel, unissant le monde grec et le monde oriental.
La question n’est plus du vrai ou du faux ; le mythe dépasse les lignes chronologiques.

Pour Pierre Milza, il faut des biographies de déconstruction mais aussi des biographies de construction pour des lecteurs moins élitistes

 

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